Droit rural et environnement

27/03/2022

À l'issue de la seconde guerre mondiale, l'Europe va rapidement faire face à un nouveau défi : nourrir sa population. Le milieu rural, saccagé par les bombardements n'est plus qu'un champ de bataille. Or, il est urgent de produire en quantité pour nourrir le peuple après les rationnements de la guerre. L'idéologie agricole de l'époque peut se résumer par cette phrase que l'on retrouve dans Mohican« Il faut fondre les chars pour en faire des charrues ».

L'Amérique avec l'aide du Plan Marshall va permettre à l'Europe de moderniser ses méthodes de production et d'augmenter ainsi les rendements. C'est dans cette atmosphère que sera bercée Brun au cours de son enfance. Désormais, ce sont les tracteurs que l'on voit fleurir dans les champs, notamment le modèle "Little Boy", directement importés des États-Unis pour contribuer à la relance de l'activité agricole. En outre, l'usage de produits chimiques visant à protéger les récoltes se démocratise.

Certes le droit rural n'est pas né en 1945 mais la fin de la seconde guerre mondiale constitue une période charnière pour le droit rural tel qu'on le connait aujourd'hui. D'ailleurs, il faudra attendre 1955, soit 10 ans après la guerre, pour voir apparaitre un Code rural. Si elle a permis à la France de relancer son économie et de nourrir sa population, le développement de l'agriculture intensive a eu son lot de conséquences négatives, notamment d'un point de vue environnemental. 

Dès les premières pages du roman, on apprend que l'un des protagoniste, Brun Danthôme, est atteint d'une leucémie et que sa femme Suzanne, avait elle-même succombé à un cancer quelques années plutôt. On apprendra par la suite que celle-ci avait du faire face à deux fausses couches au cours de sa vie. Pour le médecin, le constat est sans appel, les produits chimiques utilisés par l'agriculteur sont à l'origine de ces syndromes. 

Ainsi, et notamment pour des enjeux de santé publique, le droit rural trouve parmi les nombreux défis qu'il incarne (démographique, économique,  politique et éthique), le défi écologique. L'agriculture présente une posture ambivalente : c'est à la fois un risque et une chance pour l'environnement. Le droit rural intègre cette dimension écologique dans ses contraintes. Pour cela, il a mis en place des mesures visant à encourager le développement de l'agro-écologie et mais aussi des mesures visant à renforcer le contrôle des produits utilisés par les agriculteurs. 

  • Des mesures incitatives

Le droit rural valorise l'agriculture responsable en octroyant des certifications spéciales : l'agriculture biologique est la plus connue, mais la plus récente concerne l'agriculture à haute valeur environnementale.

S'agissant de la première, le Règlement européen du 28 juin 2007 relatif à l'agriculture biologique la définit comme étant : « un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut de degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l'application de normes élevées en matière de bien-être animal et une méthode de production respectant la préférence de certains consommateurs pour les substances naturelles. » Son décret d'application datant de 2008 détaille les techniques qui permettent de se prévaloir d'une activité biologique. Parmi les grands principes propres à l'agriculture biologique, on trouve : 

  • Une incompatibilité avec l'utilisation d'OGM ;
  • La nécessité de s'appuyer sur des ressources renouvelables ;
  • La limitation de l'utilisation d'engrais ;
  • L'exigence de rotation pluriannuelle des cultures visant à faire respirer les sols ;
  • La mise en avant des méthodes naturelles.
Ce mode d'exploitation connait un essor particulier ces dernières années et représente aujourd'hui 10% de la surface de production en France. Et pour cause, de plus en plus de consommateurs s'intéressent à une consommation plus responsable, respectueuse de l'environnement et de leur santé. 


S'agissant de l'agriculture à haute valeur environnementale, cette certification récente récompense les exploitations agricoles qui utilisent des modes de production plus respectueux de l'environnement, en leur attribuant une certification environnementale valable pendant 3 ans.

Cette valorisation des méthodes de production responsables par l'attribution de certification permet ainsi aux agriculteurs de s'adresser à un nouveau panel de consommateurs soucieux de la qualité des produits qu'ils consomment et de l'impact de cette consommation sur l'environnement.


  • Des mesures dissuasives 

Les produits phytosanitaires, essentiels à la protection des végétaux, n'en sont pas moins dangereux pour l'Homme et la planète. Brun et son entourage en ont d'ailleurs fait les frais. Intervenu à une époque où on cherchait la rentabilité des sols, le droit s'efforce aujourd'hui de trouver un équilibre entre rentabilité et protection de la population. Pour cela, les législateurs ont instauré un contrôle des produits phytosanitaires afin de suivre l'apparition éventuelle de pratique attentatoire à l'environnement. 

D'une part, les conditions dans lesquelles ces produits peuvent être mis en vente sont définis au niveau européen par un Règlement du 21 octobre 2009 relatif au marché des produits phytosanitaires. Certaines méthodes de commercialisation sont interdites, au titre desquelles figurent les avantages lors de la vente. 

D'autre part, le contrôle s'exécute également au stade de l'utilisation des produits. Premièrement, leur utilisation doit être éclairée. La transparence est de mise pour permettre d'évaluer l'exposition aux produits phytosanitaires. Pour cela, la Cour de cassation s'appuie notamment sur l'étiquetage du produit. De cette obligation ont émergé de nombreux scandales tels que l'affaire Monsanto. Les agriculteurs doivent savoir à quoi s'en tenir en utilisant ces produits et pour parvenir à cela, le principe de la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires a été consacré. Mohican illustre également la problématique liée à l'ignorance de l'ancienne génération d'agriculteurs qui épandaient des pesticides sans aucune protection, inconscients des risques que ces produits représentaient pour leur santé. Deuxièmement, leur utilisation doit être raisonnée. À ce titre, la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 vise à réduire de 50% dans les années à venir, l'utilisation des produits qui présentent des substances préoccupantes. Enfin, des interdictions et restrictions quant à leur utilisation sont imposées, notamment en ce qui concerne la pulvérisation aérienne de ces produits.

Pour conclure sur ce sujet, il faut rappeler qu'en raison de leur dépendance accrue aux aléas climatiques, les agriculteurs ont tout intérêt à prendre le virage d'une agriculture responsable afin de ne pas accentuer les phénomènes de sécheresses ou d'inondations résultant du changement climatique, qui leur sont particulièrement préjudiciables.

Valentine FRANQUE - Master 1 Droit notarial 
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